Contes Merveilleux Tome II, стр. 28

Sans osselets, elle ne pouvait plus ouvrir la porte de la Montagne de Glace. Comment faire pour sauver ses freres? Alors, tres courageusement, elle prit son couteau et se coupa un doigt. Elle le mit dans la serrure et la porte s’ouvrit.

A l’interieur, un nain vint a sa rencontre et lui demanda:

– Que cherches-tu mon enfant?

– Messieurs les Corbeaux ne sont pas encore revenus, mais tu peux les attendre ici, si tu veux.

Pendant qu’elle attendait, le nain apporta le repas des corbeaux dans sept petites assiettes et sept petits verres; la fillette mangea une bouchee dans chaque assiette et but une gorgee dans chaque verre; dans le dernier verre elle laissa tomber sa petite bague.

Soudain, on entendit des battements d’ailes et des croassements.

– Messieurs les corbeaux sont de retour, declara le nain.

Des qu’ils se furent poses, ils s’approcherent de leur repas pour manger et boire. L’un apres l’autre, ils s’ecrierent:

– Qui a mange dans mon assiette? Qui a bu dans mon verre? Il y a des traces de bouche humaine ici!

Mais au moment ou le septieme corbeau vidait son verre, la petite bague tomba.

Il reconnut aussitot la bague de son pere et de sa mere.

– Si seulement c’etait notre petite s?ur, nous serions sauve! s’exclama-t-il.

En entendant ces paroles, la petite fille qui s’etait cachee derriere la porte s’avanca vers ses freres. Les sept corbeaux reprirent instantanement forme humaine.

Ils embrasserent leur s?ur chacun a leur tour, lui faisant mille caresses puis ils rentrerent joyeusement a la maison.

Le Serpent blanc

Il y a maintenant fort longtemps que vivait un roi dont la sagesse etait connue dans tout son royaume. On ne pouvait rien lui cacher, il semblait capter dans les airs des nouvelles sur les choses les plus secretes. Ce roi avait une etrange habitude: tous les midis, alors que la grande table etait desservie et qu’il n’y avait plus personne dans la salle, son serviteur fidele lui apportait un certain plat. Or, ce plat etait recouvert, et le valet lui-meme ignorait ce qu’il contenait; personne d’ailleurs ne le savait, car le roi ne soulevait le couvercle et ne commencait a manger que lorsqu’il etait seul. Pendant longtemps cela se passa ainsi. Mais un jour, le valet, ne sachant plus resister a sa curiosite, emporta le plat dans sa chambrette et referma soigneusement la porte derriere lui. Il souleva le couvercle et vit un serpent blanc au fond du plat. Cela sentait bon et il eut envie d’y gouter. N’y tenant plus, il en coupa un morceau et le porta a sa bouche. Mais a peine sentit-il le morceau sur sa langue qu’il entendit gazouiller sous la fenetre. Il s’approcha, ecouta et se rendit compte qu’il s’agissait de moineaux qui se racontaient ce qu’ils avaient vu dans les champs et dans les forets. Le fait d’avoir goute au serpent lui avait donne la faculte de comprendre le langage des animaux.

Ce jour-la, justement, la reine perdit sa plus belle bague, et les soupcons se porterent sur le valet qui avait la confiance du roi et avait donc acces partout. Le roi le fit appeler, le rudoya et menaca de le condamner s’il ne demasquait pas le coupable avant le lendemain matin. Le jeune homme jura qu’il etait innocent mais le roi ne voulut rien entendre et le renvoya.

Le valet, effraye et inquiet, descendit dans la cour ou il commenca a se demander comment il pourrait bien faire pour s’en tirer. Il y avait la, sur le bord du ruisseau, des canards qui se reposaient en discutant a voix basse tout en lissant leurs plumes avec leur bec. Le valet s’arreta pour ecouter. Les canards se racontaient ou ils avaient patauge ce matin-la et quelles bonnes choses ils avaient trouvees a manger puis l’un d’eux se plaignit:

– J’ai l’estomac lourd car j’ai avale par megarde une bague qui etait sous la fenetre de la reine.

Le valet l’attrapa aussitot, le porta dans la cuisine et dit au cuisinier:

– Saigne ce canard, il est deja bien assez gras.

– D’accord, repondit le cuisinier en le soupesant. Il n’a pas ete faineant et il s’est bien nourri; il devait depuis longtemps s’attendre a ce qu’on le mette dans le four.

Il le saigna et trouva, en le vidant, la bague de la reine.

Le valet put ainsi facilement prouver son innocence au roi. Celui-ci se rendit compte qu’il avait blesse son valet fidele et voulut reparer son injustice; il promit donc au jeune homme de lui accorder une faveur et la plus haute fonction honorifique a la cour, que le valet choisirait.

Le valet refusa tout et demanda seulement un cheval et de l’argent pour la route, car il avait envie de partir a la decouverte du monde. Aussi se mit-il en route des qu’il eut recu ce qu’il avait demande.

Un jour, il passa pres d’un etang ou trois poissons, qui s’etaient pris dans les roseaux, etaient en train de suffoquer. On dit que les poissons sont muets, et pourtant le valet entendit leur complainte qui disait qu’ils ne voulaient pas mourir si miserablement. Le jeune homme eut pitie d’eux; il descendit de son cheval et rejeta les trois poissons prisonniers dans l’eau. Ceux-ci recommencerent a fretiller gaiement, puis ils sortirent la tete de l’eau et crierent:

– Nous n’oublierons pas que tu nous as sauves et te revaudrons cela un jour.

Le valet continua a galoper et eut soudain l’impression d’entendre une voix venant du sable foule par son cheval. Il tendit l’oreille et entendit le roi des fourmis se lamenter:

– Oh, si les gens voulaient faire un peu plus attention et tenaient leurs animaux maladroits a l’ecart! Ce cheval stupide pietine avec ses lourds sabots mes pauvres serviteurs!

Le jeune homme s’ecarta aussitot et le roi des fourmis cria:

– Nous n’oublierons pas et te revaudrons cela un jour!

Le chemin mena le valet dans la foret ou il vit un pere corbeau et une mere corbeau en train de jeter tous leurs petits du nid.

– Allez-vous-en, sacripants, croasserent-ils, nous n’arrivons plus a vous nourrir vous etes deja assez grands pour vous trouver a manger tout seuls!

Les pauvres petits, qui s’agitaient par terre en battant des ailes, piaillerent:

– Comment pourrions-nous, pauvres petits que nous sommes, subvenir a nos besoins alors que nous ne savons meme pas voler! Nous allons mourir de faim!

Le jeune homme descendit aussitot de son cheval, le transperca de son epee et l’abandonna aux jeunes corbeaux pour qu’ils aient de quoi se nourrir. Les petits s’approcherent et, apres s’etre rassasies, crierent:

– Nous ne t’oublierons pas et te revaudrons cela un jour!

Le valet fut desormais oblige de continuer sa route a pied. Il marcha et marcha et, apres une longue marche, il arriva dans une grande ville dont les rues etaient tres peuplees et tres animees. Soudain, un homme arriva a cheval et annonca que l’on cherchait un epoux pour la princesse royale, mais que celui qui voudrait l’epouser devrait passer une epreuve difficile et, s’il echouait, il devrait payer de sa vie. De nombreux pretendants s’y etaient deja essayes et tous y avaient peri.