Contes Merveilleux Tome II, стр. 16

– Mais, ma femme, dit-il, tu es tout a fait folle. Comment, il ne te suffit pas de regner sur un immense et riche empire?

– Non, dit-elle, cela me vexe, de ne pas pouvoir faire se lever ou se coucher le soleil, la lune et les astres. Il me faut pouvoir leur commander comme le bon Dieu.

– Mais enfin, cela passe le pouvoir de ce bon cabillaud; il se fachera a la fin, si je viens l’importuner avec une demande aussi insensee.

– Un empereur n’admet pas d’observations, repliqua-t-elle avec colere; fais ce que je t’ordonne, et cela, sur-le-champ.

Le brave Pierre, le c?ur tout en emoi, se mit en route. Il s’etait leve une affreuse tempete, qui courbait les arbres les plus forts des forets, et faisait trembler les rochers; au milieu du tonnerre et des eclairs, le pecheur atteignit avec peine la plage. Les vagues de la mer etaient hautes comme des tours, et se poussaient les unes les autres avec un epouvantable fracas.

– Cabillaud, cher cabillaud, s’ecria Pierre, ma femme, mon Isabelle, malgre moi, elle veut encore une derniere chose.

– Qu’est-ce donc? dit le poisson, qui apparut aussitot.

– J’ose a peine le dire, repondit Pierre; elle veut etre toute-puissante comme le bon Dieu.

– Retourne chez toi, dit le cabillaud, et tu la trouveras dans la pauvre cabane, d’ou je l’avais tiree.

Et, en effet, palais et splendeurs avaient disparu; l’insatiable Isabelle, vetue de haillons, se tenait sur un escabeau dans son ancienne miserable hutte. Pierre en prit vite son parti, et retourna a ses filets; mais jamais plus sa femme n’eut un moment de bonheur.

Le Petit Chaperon rouge

Il etait une fois une petite fille que tout le monde aimait bien, surtout sa grand-mere. Elle ne savait qu’entreprendre pour lui faire plaisir. Un jour, elle lui offrit un petit bonnet de velours rouge, qui lui allait si bien qu’elle ne voulut plus en porter d’autre. Du coup, on l’appela «Chaperon rouge».

Un jour, sa mere lui dit:

– Viens voir, Chaperon rouge: voici un morceau de gateau et une bouteille de vin. Porte-les a ta grand-mere; elle est malade et faible; elle s’en delectera; fais vite, avant qu’il ne fasse trop chaud. Et quand tu seras en chemin, sois bien sage et ne t’ecarte pas de ta route, sinon tu casserais la bouteille et ta grand-mere n’aurait plus rien. Et quand tu arriveras chez elle, n’oublie pas de dire «Bonjour» et ne va pas fureter dans tous les coins.

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– Je ferai tout comme il faut, dit le Petit Chaperon rouge a sa mere.

La fillette lui dit au revoir. La grand-mere habitait loin, au milieu de la foret, a une demi-heure du village. Lorsque le Petit Chaperon rouge arriva dans le bois, il rencontra le Loup. Mais il ne savait pas que c’etait une vilaine bete et ne le craignait point.

– Bonjour, Chaperon rouge, dit le Loup.

– Bonjour, Loup, dit le Chaperon rouge.

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– Ou donc vas-tu si tot, Chaperon rouge?

– Chez ma grand-mere.

– Que portes-tu dans ton panier?

– Du gateau et du vin. Hier nous avons fait de la patisserie, et ca fera du bien a ma grand-mere. Ca la fortifiera.

– Ou habite donc ta grand-mere, Chaperon rouge?

– Oh! a un bon quart d’heure d’ici, dans la foret. Sa maison se trouve sous les trois gros chenes. En dessous, il y a une haie de noisetiers, tu sais bien? dit le petit Chaperon rouge.

Le Loup se dit: «Voila un mets bien jeune et bien tendre, un vrai regal! Il sera encore bien meilleur que la vieille. Il faut que je m’y prenne adroitement pour les attraper toutes les eux!»

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Il l’accompagna un bout de chemin et dit:

– Chaperon rouge, vois ces belles fleurs autour de nous. Pourquoi ne les regardes-tu pas? J’ai l’impression que tu n’ecoutes meme pas comme les oiseaux chantent joliment. Tu marches comme si tu allais a l’ecole, alors que tout est si beau, ici, dans la foret!

Le Petit Chaperon rouge ouvrit les yeux et lorsqu’elle vit comment les rayons du soleil dansaient de-ci, de-la a travers les arbres, et combien tout etait plein de fleurs, elle pensa: «Si j’apportais a ma grand-mere un beau bouquet de fleurs, ca lui ferait bien plaisir. Il est encore si tot que j’arriverai bien a l’heure.»

Elle quitta le chemin, penetra dans le bois et cueillit des fleurs. Et, chaque fois qu’elle en avait cueilli une, elle se disait: «Plus loin, j’en vois une plus belle»; et elle y allait et s’enfoncait toujours plus profondement dans la foret. Le Loup lui, courait tout droit vers la maison de la grand-mere. Il frappa a la porte.

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– Qui est la?

– C’est le Petit Chaperon rouge qui t’apporte du gateau et du vin.

– Tire la chevillette, dit la grand-mere. Je suis trop faible et ne peux me lever.

Le Loup tire la chevillette, la porte s’ouvre et sans dire un mot, il s’approche du lit de la grand-mere et l’avale. Il enfile ses habits, met sa coiffe, se couche dans son lit et tire les rideaux.

Pendant ce temps, le petit Chaperon Rouge avait fait la chasse aux fleurs. Lorsque la fillette en eut tant qu’elle pouvait a peine les porter, elle se souvint soudain de sa grand-mere et reprit la route pour se rendre aupres d’elle. Elle fut tres etonnee de voir la porte ouverte. Et lorsqu’elle entra dans la chambre, cela lui sembla si curieux qu’elle se dit: «Mon dieu, comme je suis craintive aujourd’hui. Et, cependant, d’habitude, je suis si contente d’etre aupres de ma grand-mere!» Elle s’ecria:

– Bonjour!

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Mais nulle reponse. Elle s’approcha du lit et tira les rideaux. La grand-mere y etait couchee, sa coiffe tiree tres bas sur son visage. Elle avait l’air bizarre.

– Oh, grand-mere, comme tu as de grandes oreilles.

– C’est pour mieux t’entendre…

– Oh! grand-mere, comme tu as de grands yeux!

– C’est pour mieux te voir!

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– Oh! grand-mere, comme tu as de grandes mains!

– C’est pour mieux t’etreindre…

– Mais, grand-mere, comme tu as une horrible et grande bouche!