Contes Merveilleux Tome I, стр. 33

Hansel et Gretel

A l'oree d'une grande foret vivaient un pauvre bucheron, sa femme et ses deux enfants. Le garcon s'appelait Hansel et la fille Grethel. La famille ne mangeait guere. Une annee que la famine regnait dans le pays et que le pain lui-meme vint a manquer, le bucheron ruminait des idees noires, une nuit, dans son lit et remachait ses soucis. Il dit a sa femme

– Qu'allons-nous devenir? Comment nourrir nos pauvres enfants, quand nous n'avons plus rien pour nous-memes?

– Eh bien, mon homme, dit la femme, sais-tu ce que nous allons faire? Des l'aube, nous conduirons les enfants au plus profond de la foret nous leur allumerons un feu et leur donnerons a chacun un petit morceau de pain. Puis nous irons a notre travail et les laisserons seuls. Ils ne retrouveront plus leur chemin et nous en serons debarrasses.

– Non, femme, dit le bucheron. je ne ferai pas cela! Comment pourrais-je me resoudre a laisser nos enfants tout seuls dans la foret! Les betes sauvages ne tarderaient pas a les devorer.

– Oh! fou, retorqua-t-elle, tu preferes donc que nous mourions de faim tous les quatre? Alors, il ne te reste qu'a raboter les planches de nos cercueils.

Elle n'eut de cesse qu'il n'acceptat ce qu'elle proposait.

– Mais j'ai quand meme pitie de ces pauvres enfants, dit le bucheron.

Les deux petits n'avaient pas pu s'endormir tant ils avaient faim. Ils avaient entendu ce que la maratre disait a leur pere. Grethel pleura des larmes ameres et dit a son frere:

– C'en est fait de nous

– Du calme, Grethel, dit Hansel. Ne t'en fais pas; Je trouverai un moyen de nous en tirer.

Quand les parents furent endormis, il se leva, enfila ses habits, ouvrit la chatiere et se glissa dehors. La lune brillait dans le ciel et les graviers blancs, devant la maison, etincelaient comme des diamants. Hansel se pencha et en mit dans ses poches autant qu'il put. Puis il rentra dans la maison et dit a Grethel:

– Aie confiance, chere petite s?ur, et dors tranquille. Dieu ne nous abandonnera pas.

Et lui-meme se recoucha.

Quand vint le jour, avant meme que le soleil ne se levat, la femme reveilla les deux enfants:

– Debout, paresseux! Nous allons aller dans la foret pour y chercher du bois. Elle leur donna un morceau de pain a chacun et dit:

– Voici pour le repas de midi; ne mangez pas tout avant, car vous n'aurez rien d'autre.

Comme les poches de Hansel etaient pleines de cailloux, Grethel mit le pain dans son tablier. Puis, ils se mirent tous en route pour la foret. Au bout de quelque temps, Hansel s'arreta et regarda en direction de la maison. Et sans cesse, il repetait ce geste. Le pere dit:

– Que regardes-tu, Hansel, et pourquoi restes-tu toujours en arriere? Fais attention a toi et n'oublie pas de marcher!

– Ah! pere dit Hansel, Je regarde mon petit chat blanc qui est perche la-haut sur le toit et je lui dis au revoir.

La femme dit:

– Fou que tu es! ce n'est pas le chaton, c'est un reflet de soleil sur la cheminee. Hansel, en realite, n'avait pas vu le chat. Mais, a chaque arret, il prenait un caillou blanc dans sa poche et le jetait sur le chemin.

Quand ils furent arrives au milieu de la foret, le pere dit:

– Maintenant, les enfants, ramassez du bois! je vais allumer un feu pour que vous n'ayez pas froid.

Hansel et Grethel amasserent des brindilles au sommet d'une petite colline. Quand on y eut mit le feu et qu'il eut bien pris, la femme dit: – Couchez-vous aupres de lui, les enfants, et reposez-vous. Nous allons abattre du bois. Quand nous aurons fini, nous reviendrons vous chercher. Hansel et Grethel s'assirent aupres du feu et quand vint l'heure du dejeuner, ils mangerent leur morceau de pain. Ils entendaient retentir des coups de hache et pensaient que leur pere etait tout proche. Mais ce n'etait pas la hache. C'etait une branche que le bucheron avait attachee a un arbre mort et que le vent faisait battre de-ci, de-la. Comme ils etaient assis la depuis des heures, les yeux finirent par leur tomber de fatigue et ils s'endormirent. Quand ils se reveillerent, il faisait nuit noire. Grethel se mit a pleurer et dit:

– Comment ferons-nous pour sortir de la foret?

Hansel la consola

– Attends encore un peu, dit-il, jusqu'a ce que la lune soit levee. Alors, nous retrouverons notre chemin.

Quand la pleine lune brilla dans le ciel, il prit sa s?ur par la main et suivit les petits cailloux blancs. Ils etincelaient comme des ecus frais battus et indiquaient le chemin. Les enfants marcherent toute la nuit et, quand le jour se leva, ils atteignirent la maison paternelle. Ils frapperent a la porte. Lorsque la femme eut ouvert et quand elle vit que c'etaient Hansel et Grethel, elle dit:

– Mechants enfants! pourquoi avez-vous dormi si longtemps dans la foret? Nous pensions que vous ne reviendriez jamais.

Leur pere, lui, se rejouit, car il avait le c?ur lourd de les avoir laisses seuls dans la foret.

Peu de temps apres, la misere regna de plus belle et les enfants entendirent ce que la maratre disait, pendant la nuit, a son mari:

– Il ne nous reste plus rien a manger, une demi-miche seulement, et apres, finie la chanson! Il faut nous debarrasser des enfants; nous les conduirons encore plus profond dans la foret pour qu'ils ne puissent plus retrouver leur chemin; il n'y a rien d'autre a faire.

Le pere avait bien du chagrin. Il songeait – «Il vaudrait mieux partager la derniere bouchee avec les enfants.» Mais la femme ne voulut n'en entendre. Elle le gourmanda et lui fit mille reproches. Qui a dit «A» doit dire «B.»Comme il avait accepte une premiere fois, il dut consentir derechef.

Les enfants n'etaient pas encore endormis. Ils avaient tout entendu. Quand les parents furent plonges dans le sommeil, Hansel se leva avec l'intention d'aller ramasser des cailloux comme la fois precedente. Mais la maratre avait verrouille la porte et le garcon ne put sortir. Il consola cependant sa petite s?ur:

– Ne pleure pas, Grethel, dors tranquille; le bon Dieu nous aidera.

Tot le matin, la maratre fit lever les enfants. Elle leur donna un morceau de pain, plus petit encore que l'autre fois. Sur la route de la foret, Hansel l'emietta dans sa poche; il s'arretait souvent pour en jeter un peu sur le sol.

– Hansel, qu'as-tu a t'arreter et a regarder autour de toi? dit le pere. Va ton chemin!

– Je regarde ma petite colombe, sur le toit, pour lui dire au revoir! repondit Hansel.

– Fou! dit la femme. Ce n'est pas la colombe, c'est le soleil qui se joue sur la cheminee.