Contes merveilleux, Tome II, стр. 9

Poucette dut filer a la quenouille, et la souris embaucha quatre araignees pour filer et tisser nuit et jour. Tous les soirs la taupe venait en visite, et parlait toujours de la fin de l'ete, quand le soleil serait beaucoup moins chaud, car pour le moment il brulait la terre, qui etait comme une pierre; quand l'ete serait fini auraient lieu les noces avec Poucette; mais la petite n'etait pas contente, car elle n'aimait pas du tout l'ennuyeuse taupe. Tous les matins, quand le soleil se levait, et tous les soirs quand il se couchait, elle se glissait dehors a la porte, et si le vent ecartait les sommets des tiges, de facon qu'elle pouvait voir le ciel bleu, elle se disait que c'etait clair et beau, la dehors, et elle desirait bien vivement revoir sa chere hirondelle; mais elle ne reviendrait jamais, elle volait surement tres loin dans la foret verte.

Lorsque l'automne arriva, Poucette eut sa corbeille toute prete.

– Dans quatre semaines ce sera la noce, lui dit la souris.

Et Poucette pleura et dit qu'elle ne voulait pas de l'ennuyeuse taupe.

– Tatata, dit la souris, ne regimbe pas, sans quoi je te mords avec ma dent blanche! C'est un excellent mari que tu auras, la reine elle-meme n'a pas une pelisse de velours noir pareille. Il a cuisine et cave. Remercie Dieu de l'avoir.

La noce devait donc avoir lieu. La taupe etait venue deja pour prendre Poucette, qui devait habiter avec son mari au profond de la terre, ne jamais sortir au chaud soleil qu'il ne pouvait pas supporter. La pauvre enfant etait tout affligee, elle voulait dire adieu au beau soleil, que du moins, chez la souris, il lui avait ete permis de regarder de la porte.

– Adieu, lumineux soleil! dit-elle, les bras tendus en l'air, et elle fit quelques pas hors de la demeure de la souris, car le ble avait ete coupe, il ne restait plus que le chaume sec. Adieu, adieu! dit-elle, et elle entoura de ses bras une petite fleur rouge qui etait la! Salue de ma part la petite hirondelle, si tu la vois.

– Qvivit! qvivit! dit-on a ce moment au-dessus de sa tete.

Elle regarda en l'air, c'etait la petite hirondelle, qui passait justement. Aussitot qu'elle vit Poucette, elle fut ravie; la fillette lui raconta qu'elle ne voulait pas du tout avoir pour mari la vilaine taupe, et qu'elle habiterait ainsi au fond de la terre, ou le soleil ne brillerait jamais. De cela, elle ne pouvait s'empecher de pleurer.

– Voila le froid hiver qui vient, dit la petite hirondelle, je m'envole au loin vers les pays chauds, veux-tu venir avec moi? Tu peux te mettre sur mon dos, tu n'as qu'a t'attacher fortement avec ta ceinture, et nous nous envolerons loin de la vilaine taupe et de sa sombre demeure, bien loin par-dessus les montagnes jusqu'aux pays chauds ou le soleil luit, plus beau qu'ici, ou c'est toujours l'ete avec des fleurs exquises. Viens voler avec moi, chere petite Poucette qui m'a sauve la vie lorsque je gisais gelee dans le sombre caveau de terre!

– Oui j'irais avec toi, dit Poucette, qui se mit sur le dos de l'oiseau, les pieds sur ses ailes etendues, et attacha fortement sa ceinture a une des plus grosses plumes.

Et ainsi l'hirondelle s'eleva haut dans l'air, au-dessus de la foret et au-dessus de la mer, haut au-dessus des grandes montagnes toujours couvertes de neige, et Poucette eut froid dans l'air glace, mais elle se recroquevilla sous les plumes chaudes de l'oiseau, et passa seulement sa petite tete pour voir toute la splendeur etalee sous elle.

Et elles arriverent aux pays chauds. Le soleil y brillait, beaucoup plus lumineux qu'ici. Le ciel etait deux fois plus eleve, et dans des fosses et sur des haies poussaient de delicieux raisins blancs et bleus. Dans les foret pendaient des citrons et des oranges, les myrtes et la menthe crepue embaumaient, et sur la route couraient de delicieux enfants qui jouaient avec de grands papillons diapres. Mais l'hirondelle vola plus loin encore, et ce fut de plus en plus beau. Sous de magnifiques arbres verts au bord de la mer bleue se trouvait un chateau de marbre d'une blancheur eclatante, fort ancien. Les ceps de vigne enlacaient les hautes colonnes; tout en haut etaient de nombreux nids d'hirondelle, et dans l'un d'eux habitait celle qui portait Poucette.

– Voila ma maison, dit l'hirondelle, mais si tu veux te chercher une des superbes fleurs qui poussent en bas, je t'y poserai, et tu seras aussi bien que tu peux le desirer.

– C'est parfait, dit Poucette, et ses petites mains battirent.

Il y avait par terre une grande colonne de marbre blanc qui etait tombee et s'etait cassee en trois morceaux, entre lesquels poussaient les plus belles fleurs blanches.

L'hirondelle y vola et deposa Poucette sur l'une des larges petales; mais quelle surprise fut celle de la petite fille! Un petit homme etait assis au milieu de la fleur, aussi blanc et transparent que s'il avait ete de verre; il avait sur la tete une belle couronne d'or et aux epaules de jolies ailes claires, et il n'etait pas plus grand que Poucette. C'etait l'ange de la fleur. Dans chaque fleur habitait un pareil ange, homme ou femme, mais celui-la etait le roi de tous.

– Oh! qu'il est beau, chuchota Poucette a l'hirondelle.

Le petit prince fut tres effraye par l'hirondelle, car elle etait un enorme oiseau a cote de lui, qui etait si petit et menu, mais lorsqu'il vit Poucette il fut enchante, c'etait la plus belle fille qu'il eut encore jamais vue. Aussi prit-il sur sa tete sa couronne d'or qu'il placa sur la sienne, lui demanda comment elle s'appelait et si elle voulait etre sa femme, elle serait ainsi la reine de toutes les fleurs! Oh! c'etait la un mari bien different du fils de la grenouille et de la taupe a la pelisse de velours noir. Elle dit donc oui au charmant prince, et de chaque fleur arriva une dame ou un jeune homme, si gentil que c'etait un plaisir des yeux; chacun apportait un cadeau a Poucette, mais le meilleur de tous fut une couple de belles ailes d'une grande mouche blanche; elles furent accrochees au dos de Poucette, qui put ainsi voler d'une fleur a l'autre; c'etait bien agreable, et la petite hirondelle etait la-haut dans son nid et chantait du mieux qu'elle pouvait, mais en son coeur elle etait affligee, car elle aimait beaucoup Poucette, et aurait voulu ne jamais s'en separer.

– Tu ne t'appelleras pas Poucette, lui dit l'ange de la fleur, c'est un vilain nom, et tu es si belle. Nous t'appellerons Maia.

– Adieu, adieu! dit la petite hirondelle, qui s'envola de nouveau, quittant les pays chaud pour aller tres loin, jusqu'en Danemark.

C'est la qu'elle avait un nid au-dessus de la fenetre ou habite l'homme qui sait conter des contes, elle lui a chante son qvivit, qvivit! et c'est de la que nous tenons toute l'histoire.

La petite sirene

Au large dans la mer, l'eau est bleue comme les petales du plus beau bleuet et transparente comme le plus pur cristal, mais elle est si profonde qu'on ne peut y jeter l'ancre et qu'il faudrait mettre l'une sur l'autre bien des tours d'eglise pour que la derniere emerge a la surface. Tout en bas, les habitants des ondes ont leur demeure.

Mais n'allez pas croire qu'il n'y a la que des fonds de sable nu blanc, non il y pousse les arbres et les plantes les plus etranges dont les tiges et les feuilles sont si souples qu'elles ondulent au moindre mouvement de l'eau. On dirait qu'elles sont vivantes. Tous les poissons, grands et petits, glissent dans les branches comme ici les oiseaux dans l'air.

A l'endroit le plus profond s'eleve le chateau du Roi de la Mer. Les murs en sont de corail et les hautes fenetres pointues sont faites de l'ambre le plus transparent, mais le toit est en coquillages qui se ferment ou s'ouvrent au passage des courants. L'effet en est feerique car dans chaque coquillage il y a des perles brillantes dont une seule serait un ornement splendide sur la couronne d'une reine.