Les Aventures De Pinocchio, стр. 28

– Non, non. Il faut que je rentre chez moi.

– Allez! Deux minutes seulement…

– J’ai deja trop tarde! La Fee va etre inquiete.

– Oh, la pauvre Fee!… De quoi a-t-elle peur? Que les chauve-souris te devorent?

– Ainsi – continua Pinocchio – tu es vraiment sur que, dans ce pays, il n’y a pas du tout d’ecole?

– Pas l’ombre d’une.

– Ni de maitres?

– Pas un seul.

– Que l’on n’est pas oblige de travailler?

– Absolument!

– Quel beau pays! – s’exclama Pinocchio qui se sentait venir l’eau a la bouche – Quel beau pays! Je n’y suis jamais alle mais je l’imagine fort bien!

– Alors? Pourquoi ne pas y aller, toi aussi? – s’etonna La Meche.

– Ne me tente pas, c’est inutile! J’ai promis a la Fee de ne pas renier ma parole.

– Puisque c’est ainsi, au revoir Pinocchio! Salue de ma part les petits et les grands de l’ecole si tu les croises sur ton chemin!

– Adieu, La Meche! Bon voyage! Amuse-toi bien et pense de temps en temps aux amis!

La marionnette s’eloigna de deux pas, s’arreta, se retourna:

– Tu es sur et certain que, dans ce pays, il y a six jeudis et un dimanche dans la semaine?

– Tout a fait sur.

– Que les vacances commencent le premier janvier et se terminent le trente et un decembre?

– Je te l’ai dit!

– Quel beau pays! – repeta Pinocchio, reveur.

Puis, d’un ton resolu, il lanca precipitamment:

– Cette fois, adieu pour de bon!

– Adieu! – repondit La Meche.

– Au fait, vous partez dans combien de temps?

– Dans deux heures.

– Dommage! Si cela avait ete dans une heure, j’aurais pu attendre.

– Mais la Fee? – fit remarquer son camarade.

– Maintenant je suis vraiment en retard. Alors, une heure de plus ou de moins…

– Sacre Pinocchio! Et si la Fee te gronde?

– Bah! Je la laisserai dire. Apres, elle s’arretera bien…

Il faisait nuit, et meme nuit noire quand ils apercurent dans le lointain une lanterne allumee qui se balancait. Bientot, ils entendirent un leger bruit de grelots et un coup de trompe aussi tenu que le zinzin d’un moustique.

– La voila! – cria La Meche en sautant sur ses pieds.

– Qu’est-ce que c’est? – demanda Pinocchio a voix basse.

– C’est la charrette qui vient me chercher. Alors, tu viens ou pas?

– C’est vraiment vrai que, dans ce pays, les enfants ne sont pas obliges d’aller a l’ecole?

– C’est tout a fait vrai!

– Quel beau pays!… Quel beau pays!… Quel beau pays tout de meme!…

Chapitre 31

Apres cinq mois passes au pays de cocagne, Pinocchio, a sa grande surprise, se voit pousser des oreilles d’ane. Il devient un vrai bourricot, avec la queue et tout le reste.

Enfin la charrette arriva. Elle ne faisait aucun bruit car ses roues etaient enrobees d’etoupe et de chiffons.

Douze paires d’anons composaient l’attelage. Ils avaient tous la meme taille mais leurs pelages etaient de couleurs differentes.

Quelques-uns uns de ces petits anes etaient tout gris, d’autres blancs, d’autres encore avaient vire au poivre et sel. Certains avaient des grandes rayures jaunes et bleues. Mais le plus singulier etait qu’au lieu d’etre ferres comme le sont habituellement les betes de trait ou de somme, ils etaient tous chausses de bottes de cuir blanc.

Et le cocher?

Imaginez un petit bonhomme plus large que haut, mou et onctueux comme une motte de beurre, au visage comme une pomme de rose, avec une petite bouche toujours rieuse et une voix douce et caressante comme celle d’un chat cherchant a s’attirer les bonnes graces de la maitresse de maison.

Des qu’ils le voyaient, tous les enfants etaient seduits et se mettaient a courir pour monter dans sa charrette qui devait les emmener dans ce pays de cocagne que les cartes de geographie designent sous le nom de «Pays des Jouets».

La charrette etait deja occupee par de jeunes enfants entre huit et douze ans, entasses les uns contre les autres comme des anchois dans la saumure. Serres comme ils etaient, ils pouvaient a peine respirer mais aucun d’eux ne se plaignait. Ils se consolaient en pensant que, bientot, ils arriveraient dans un endroit sans livres, ni ecoles, ni maitres. Cela les rendait si contents et si patients qu’ils en oubliaient les desagrements et la fatigue du voyage ainsi que la faim, la soif et l’envie de dormir.

La charrette arretee, le petit homme se tourna vers La Meche et, apres mille minauderies, lui demanda, tout sourire:

– Dis-moi, bel enfant, tu veux aller, toi aussi, au pays du bonheur?

– Sur que je veux y aller – repondit le garcon.

– Le probleme, mon cheri, c’est qu’il n’y a plus de place. Comme tu vois, la charrette est pleine.

– Aucune importance! Puisqu’il n’y a plus de place dedans, je vais m’installer sur les brancards.

La Meche prit son elan et s’assit a califourchon sur la piece de bois

– Et toi, mon joli? – demanda le cocher en se penchant, ceremonieux, vers Pinocchio – Que souhaites-tu faire? Venir avec nous ou rester ici?

– Moi, je reste. – decida la marionnette – Je veux rentrer chez moi pour etudier et reussir a l’ecole comme font tous les enfants sages.

– Alors, bonne chance!

– Pinocchio, ecoute! – intervint La Meche – Viens avec nous, cela nous fera plaisir!

– Non, non, non!

– Viens! Cela nous fera plaisir. – lui crierent d’autres enfants.

– Viens avec nous! – hurlerent tous ensemble les occupants de la charrette.

– Mais si je viens avec vous, qu’est-ce que je vais dire a ma bonne fee? – interrogea la marionnette qui commencait a faiblir et a tergiverser.

– Ne te tracasse donc pas comme cela. Pense plutot que nous allons dans un pays ou l’on peut faire tout ce que l’on veut du matin au soir.

Nulle reponse de la part de Pinocchio mais un premier soupir, puis un autre, et encore un autre. Et, au bout du compte: